8 Mars 1916
La fusillade crépita. Les Boches chancelèrent puis s’abattirent avant d’arriver à la tranchée. Une vingtaine qui chargeaient sur la 2ème Compagnie furent fauchés par la mitrailleuse que nous avions installée dans le boyau. A gauche de la Section, les Boches essayaient de nous chasser de la tranchée à coup de grenades et attaquant de face et de flan, ils essayaient de nous faire prisonniers. Les grenades éclataient sans relâche et à toutes minutes des hommes s’abattaient morts ou blessés. Mais les Boches avaient affaire à des poilus qui se seraient fait tuer jusqu’au dernier avant de lâcher. Et les poilus criaient : Ils ne passeront pas ! ils ne passeront pas. Les Boches se faisaient tuer comme des mouches mais nous causaient beaucoup de mal. Un mitrailleur fut installé prenant le boyau par où les Allemands venaient en enfilade, les 2 pointeurs furent tués coup sur coup.
Quand à moi je m’étais mis à lancer des grenades mais étant sur la droite de la Section et trop loin pour que les grenades que je jetais fissent de l’effet, je repris mon fusil. Chopin me remplissait mes cartouchières et je tirais sans relâche. Rendu moitié fou par la fusillade ou les obus, je n’avais aucune conscience du danger. Je me montrai jusqu’à mi-corps au-dessus de la tranchée, mon fusil me brûlait les doigts et je pris celui d’un blessé. Une balle vint s’écraser sur le canon de mon fusil et le plomb de la balle me rentra dans la main ne me causant qu’une légère égratignure heureusement.
Boudeau qui était à ma gauche à côté de moi fut atteint d’une balle au cou, il ne pouvait plus proférer aucun son et le sang lui sortit par la bouche. Au même instant, je reçus un choc à la tête. Je suis touché, fis-je. Il n’en était rien. Une balle m’avait traversé mon casque faisant sauter le cimier sans me blesser. Soudain Picon qui était mon voisin de droite tomba à la renverse. Je l’empoignais à bras-le-corps et je vis qu’une balle lui avais effleuré la tête lui faisant une raie dans les cheveux et mettant presque à nu la cervelle. Il roulait des yeux égarés, je l’ai cru mort ou au moins près de l’être mais il revint à lui et s’enfila tout un flacon d’alcool de menthe. Et quand il put parler, comme je lui disais d’aller au poste de secours, il me dit : J’ai tout le côté gauche paralysé. C’était midi. …/…